Utagaki

Il faut imaginer un groupe de jeunes gens, réunis à la lisière d’une forêt, sous une lune claire, vêtus de peu ou de rien, la peau encore chaude du jour et le cœur plein d’hésitation. Ils sont là pour chanter, mais pas pour se produire ; pas de scène, pas de spectateurs, seulement le groupe, les arbres, l’obscurité vibrante autour d’eux, et ce qu’ils n’osent pas encore appeler le désir. Ils chantent à voix haute, des mots improvisés ou hérités, des refrains simples et répétitifs, et la voix les emmène plus loin qu’ils ne croyaient pouvoir aller, elle les pousse hors d’eux-mêmes, vers les autres, vers la possibilité d’un contact, d’un frôlement, d’un départ commun dans les fourrés. C’était cela, le Utagaki : une fête communautaire, un rite, une chambre d’écho de la sexualité collective, un lieu-temps où le chant servait de médiateur au rapprochement, un exutoire accepté, reconnu, attendu, pour libérer la tension du groupe et permettre aux corps de se chercher, de se trouver, sans honte et sans conséquence durable. Aujourd’hui, la scène paraît irréelle. Non pas tant pour sa liberté sexuelle que pour sa simplicité radicale…